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Synthèse de la demi-journée du 3 novembre concernant la conservation des données juridiques sous format électronique

vendredi 14 janvier 2005, par Claire Germain

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Mme Claire GERMAIN, Edward Cornell Law Librarian and Professor of Law at Cornell Law School, Ithaca, New York -U.S.A.

Synthèse de la Séance du Mercredi 3 novembre 2004

Claire M. Germain
Edward Cornell Law Librarian and Professor of Law
Cornell Law School, Ithaca, New York -U.S.A.

La Session Spéciale du mercredi 3 novembre 2004 était consacrée a la conservation des données juridiques sous format électronique , sous la Présidence de Mme Isabelle de Lamberterie, Directrice de recherche au CNRS, Présidente honoraire de l’ADIJ, et l’ Animateur, Mme Caroline Wiegandt - Directrice générale adjointe de la Bibliothèque Nationale de France, Présidente de l’ADBS Les présentations étaient sur les sujets suivants :

M. Stéphane COTTIN, Chef du service Informatique et Greffe au Conseil constitutionnel- France Liste exhaustive des données juridiques qui devraient être conservées et accessibles sur Internet éternellement par les pouvoirs publics
M. Fabien WAECHTER , Directeur de la documentation et de l’information de la société Lexbase - France : La conservation d’un produit juridique éditorial n’existant que sur support électronique : un engagement contractuel réaliste ?
Mme Claire GERMAIN, Edward Cornell Law Librarian and Professor of Law at Cornell Law School, Ithaca, New York -U.S.A. Le projet GPO visant à conserver l’ensemble des données juridiques publiques américaines
Mme Véronique ABAD, Editrice associée, IIJCan, LexUM, Centre de Recherche en Droit Public, Université de Montréal et M. Ivan MOKANOV, Responsable éditorial d’IIJCan, LexUM, CRDP, Université de Montréal - Québec, Canada : La gestion de la qualité dans la diffusion libre du droit : l’exemple canadien
Mme Catherine LUPOVICI, Directrice du Département de la Bibliothèque numérique, Direction des services et des réseaux, Bibliothèque Nationale de France : La mise en oeuvre du dépôt légal électronique en France
Maître Thierry BLANCHET, Conseil Supérieur du Notariat - France : La réalisation du Minutier Central des notaires de France (la conservation des actes authentiques électroniques)
M. Bassem ASSEH, Responsable projet - Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes (CNCC) - France : Dématérialisation des comptes des entreprises, échange et conservation de ces données
M. Charles du BOULLAY, Directeur Général - CDC Zantaz- France : La dématérialisation des échanges - quels sont les documents touchés et les entreprises concernées ?

La Présidente de séance, Madame Isabelle de Lamberterie a ouvert la séance en rappelant qu’au colloque de 1995 sur les “Autoroutes de l’information”, aucune question ou notion de conservation n’avait été abordée. Cependant, la conservation des données juridiques sous format électronique est nécessaire pour le droit, car sécurité juridique et sécurité techniques vont de pair.

Pendant la conférence plénière, on a beaucoup parlé de la diffusion libre du droit, et de l’accès des citoyens au droit. La session spéciale était consacrée à l’accès aux textes de droit à long terme, qui est une problématique tout autre. La conservation des données juridiques créées numériquement pose des questions comme “pourquoi conserver, et quelles données conserver ?”

Le domaine de la conservation des données juridiques comprend l’archivage pour la conservation même du produit, la conservation pour l’accès à long terme, et en général, l’accès des générations futures aux textes de droit. On distingue la conservation qui permet l’accès (archive légère, light archive), et la conservation à long terme avec accès restreint (archive lourde, dark archive). Le problème de la conservation se pose d’une manière particulièrement aiguë pour les documents crées numériquement (born digital). En ce domaine, beaucoup de questions se posent, et il y a plus de questions que de réponses.

Pendant l’après midi, les thèmes suivants ont été abordés :

1. Quels documents archiver ? Quels documents garder ?
2. Comment conserver ces documents, en respectant leur intégrité et authenticité ?
3. Comment traiter de l’obsolescence technologique et du besoin de migration des documents ?
4. A qui appartient la responsabilité de conserver ces documents ?
5. Débuts de projets et de solutions.

1. Quels Documents Archiver ? Quels Documents Garder ?

La conservation des données juridiques pour des raisons pratiques a été évoquée par plusieurs conférenciers. En particulier, a été retenu le besoin de conserver les versions antérieures des lois, “consolidation point in time”, dans un but sécurité juridique, afin de connaître l’état antérieur de la législation.

Un défi majeur est de savoir ce qu’il est approprié d’inclure, ce qu’il faut conserver. Stéphane Cottin a engage une réflexion sur les critères à utiliser, fondée sur le principe que “nul n’est censé ignorer la loi”. En France, une longue évolution a abouti à la création de Legifrance en 1997, le Portail Officiel des publications officielles du gouvernement. Le service public de diffusion du droit par l’Internet a été créé par le décret du 7 août 2002, avec pour objet de faciliter l’accès du public aux textes en vigueur ainsi qu’à la jurisprudence. Un état des lieux permet de déterminer ce qui manque à ce corpus.

Fabien Waechter a parlé de la conservation du produit uniquement sur Internet, les données numériques déjà dématérialisées. Sa base de données, commercialisée par la société Lexbase, n’existe nulle part ailleurs. En tant qu’éditeur, il se déclare prêt à un échange de données brutes

L’expérience de professionnels dans les domaines extérieurs à la bibliothèque est particulièrement enrichissante, car elle montre que d’autres professions ont à traiter de problèmes similaires et les solutions adoptées peuvent être utiles et source d’inspiration. Maître Thierry Blanchet nous fait partager l’expérience du notariat. Les archives des actes de notaires doivent être conservées pendant 100 ans. L’ article 1317 du Code civil donne force exécutoire et probante à l’acte authentique, avec l’obligation pour les notaires de garder un original. La Loi du 13 mars 2000 (Art. 1317 du Code civil) rappelle l’obligation de garder l’acte établi sur support électronique. Les actes sont enregistrés dans un minutier central sous le contrôle du Conseil supérieur du Notariat. Des travaux sont en cours pour établir deux Intranet sécurisés, et une carte à puce pour la signature électronique sécurisée.

Claire Germain a parlé du projet américain GPO. L’objectif poursuivi par le Bureau des Publications du Gouvernement- BPG (Government Printing Office - GPO) est d’offrir un accès permanent aux publications électroniques du gouvernement fédéral des États-unis, en accord avec le principe américain selon lequel les citoyens doivent avoir un accès libre à l’information gouvernementale. Sont considérés comme documents juridiques les lois, les rapports et les débats au Congrès, les archives du Congrès, les lois à caractère public ou privé, le Code américain, le registre fédéral, le Code des règlements fédéraux, les décisions de la Cour suprême, les rapports et les documents de l’agence fédérale. Cet objectif inclut, d’une part, la collecte et la création de collections électroniques insérés dans une base de données structurée et uniforme, afin d’assurer l’authentification des documents publiés sur Internet et de préserver l’information pour un accès libre permanent. D’autre part, cela implique le développement d’outils de recherche pour la base de données, l’ identification de meta-données et d’URLs permanents (PURLs) et l’organisation de formations continues aux bibliothécaires.

2. Comment conserver ces documents, en respectant leur intégrité et authenticité ?

Les documents créés numériquement sont sujets à deux grands problèmes : (1) L’ obsolescence des données juridiques, et (2) la nécessité de protéger leur intégrité et authenticité, spécialement parce que ce sont des documents juridiques. l’authenticité du document est essentielle parce que le texte officiel doit avoir valeur probante, et être accepté par le juge.

Le Projet canadien présenté par Véronique Abad et Ivan Mokanov a été soigneusement expliqué. Ce projet veille à la qualité de tout le cycle de vie du document, de la création à l’archivage sur CanLII. Toutes les décisions sont archivées, aussi bien que toutes les versions d’un texte, et toutes les communications avec les tribunaux. Les présentateurs ont soulevé l’importance des normes et des standards pour la conservation.

Charles du Boullay a fait une intervention sur le coffre fort électronique de la société Zantaz, qui protége les factures, contrats, rapports d’experts, et autres documents d’entreprise, pour une durée de 10 ans, 30 ans, ou pour toujours. Les critères sont l’accès en ligne permanent ; la garantie de l’intégrité du document, et l’engagement sur la durée de la conservation. Des bunkers ont été construits dans trois sites différents. Des techniques spécifiques sont utilisées pour assurer la conservation durable du document, l’accès en ligne, et l’intégrité de la restitution des documents, comme le calcul d’empreinte, l’indexation, le PKI interne, scellement, et la signature électronique.

Dans le même esprit, Bassem Asseh a presenté le nouveau portail de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, qui utilise la dématérialisation des comptes des entreprises, échange et conservation de ces données

3. Comment traiter de l’obsolescence technologique et le besoin de migration des documents ?

Les archives numériques sont plus vulnérables que les livres, et sont sujettes a l’obsolescence technologique, à la fois du logiciel et de l’équipement même. Par exemple, si on met le texte en pdf, il faut aussi mettre la visionneuse, adobe acrobat reader, Windows de la même époque, etc. Les bandes magnétiques et disques ont une durée de vie limitée. On s’achemine vers des demandes de projets et de collaboration entre bibliothèques universitaires et sociétés commerciales, qui vont travailler ensemble à la conservation de ces documents, et à la migration des documents pour s’adapter aux nouvelles versions de logiciels et de matériels.
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4. A qui incombe la responsabilité de conserver ces documents  ?

Il semblerait que la responsabilité de conserver les documents appartienne tout d’abord a l’organisme qui produit le texte, c’est a dire, le tribunal pour une décision de justice, ou le législateur pour une loi. D’autres organismes qui ont vocation à remplir ce rôle de conservation peuvent être les maisons d’édition, les bibliothèques, les archives, et le gouvernement. Il y a souvent des restrictions budgétaires qui vont empêcher la conservation des documents.

5. Débuts de projets et de solutions.

Catherine Lupovici a presenté le rôle de la Bibliothèque nationale de France ((BNF) et le projet de loi de 2004 sur le Dépôt légal des publications électroniques. Le Dépôt légal a une mission patrimoniale, et pour objectif de constituer une mémoire par le biais d’une collecte automatique par robot, par exemple, sur le thème des élections. Est envisagé également le dépôt de portions de sites inaccessibles aux robots (Web invisible, deep web), ou en accord avec les éditeurs ou producteurs de sites. L’objectif n’est pas d’avoir le document authentique, ou de faire de la concurrence avec la diffusion courante. Les documents sont uniquement consultables sur place. Il y a un besoin de gérer l’obsolescence technologique. Dans le but d’avoir des archives numériques pérennes, le modèle conceptuel de référence est OAIS (Open Archival Information System), adopté par tous les programmes de conservation et l’objectif à atteindre est l’accès à long terme, ainsi que la normalisation des méta-données.

Le Consortium sur la conservation de l’Internet (Internet Preservation Consortium) a été formé en juillet 2003, et regroupe la Bibliothèque du Congrès (LC), British Library, les bibliothèques nationales des pays scandinaves, la BNF, la Bibliothèque nationale d’ Australie, et Internet Archive (qui existe depuis 1996).

La Bibliothèque du Congrès des E.U. a apporté récemment des dons (grants) de 1.5 million de dollars à huit institutions et partenaires. Ces dons font partie d’un programme de 100 millions de dollars affectés par le Congres pour capturer des documents créés numériquement, par exemple, des sites web, et des bases de données. Les premiers projets ont été consacrés aux élections en Californie en 2003, et à la naissance des sociétés dot.com.

Conclusion

On peut retenir trois points principaux de cette session très enrichissante sur la conservation des données numériques : (1) tout d’abord, c’est l’importance de savoir ce que font d’autres groupes, dans les bibliothèques et archives de différents pays, mais aussi en dehors des bibliothèques, dans d’autres professions. (2) Il faut un dialogue constant, ainsi qu’une collaboration effective, entre les différents acteurs dans ce secteur, qu’ils soient producteurs, diffuseurs, utilisateurs, conservateurs, juges, ou législateurs, pour se mettre au courant et partager les problèmes et aborder des solutions pratiques. (3) En ce domaine, il incombe aux parties de développer un partenariat entre les gouvernements, les Etats locaux et fédéraux, les universités, et le secteur privé. Il serait aussi bon de trouver des solutions nouvelles pour réduire les tensions entre éditeurs et bibliothécaires qui proviennent de l’instabilité de l’édition et des coûts de production.

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