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Discours d’ouverture de la Conférence
mercredi 15 décembre 2004, par
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M. Jean-Marc SAUVE, Secrétaire général du Gouvernement
La France accueille avec intérêt cette manifestation qui réunit pour la 6ème fois les principaux acteurs de l’Internet juridique mondial :
Cette manifestation internationale me paraît très importante :
pour faire régulièrement le point sur les règles, pratiques et tendances en matière de diffusion du droit sur l’Internet ;
pour faire l’état des convergences dans ce nouvel espace qui représente à la fois une nouvelle garantie de démocratie mais aussi un nouvel espace de confrontations et d’accès aux systèmes juridiques et un facteur de nouvelles inégalités dans l’accès au droit.
Cet événement coïncide également avec l’ouverture de la nouvelle version du site Légifrance et la mise en ligne gratuite de l’ensemble des données juridiques de l’Union Européenne sur un site Eur-Lex rénové. S’agissant de Légifrance, la nouvelle version réaffirme le rôle du service public français de la diffusion du droit sur l’internet, qui laisse toute sa place à la diffusion d’un droit commenté et enrichi par les éditeurs juridiques, les universitaires et les chercheurs.
Je me réjouis d’ailleurs que, ces dernières années, la plupart des pays d’Europe, comme les institutions de l’Union Européenne, aient évolué ensemble vers une mise en ligne libre de leurs données juridiques essentielles.
Ces journées internationales ont été organisées par les trois associations françaises qui rassemblent les praticiens de l’information juridique en ligne, l’ADBS, l’ADIJ et Juriconnexion, avec le précieux concours du laboratoire du LexUM de l’Université de Montréal. Je tiens à les en remercier.
Elles réunissent des représentants des pouvoirs publics, des instituts de recherche d’informatique juridique, des enseignants et des chercheurs, des magistrats, des praticiens (avocats, notaires, juristes d’entreprises), et des spécialistes du traitement de l’information (documentalistes, informaticiens, etc.).
Pendant ces journées seront abordées les questions relatives à :
1) La rédaction normative assistée par ordinateur ainsi que la codification et la consolidation des lois automatisées, destinées à permettre une meilleure sécurité dans l’accès au droit en vigueur ;
2) La diffusion de la loi avec tous les effets d’harmonisation qui sont attendus de la circulation et de la convergence des normes en réseau ;
3) La diffusion de la jurisprudence par les Cours et tribunaux mais aussi par les éditeurs juridiques ;
4) La protection des données personnelles et des libertés individuelles ;
5) La conservation des données juridiques sous format électronique destinée à permettre de disposer des normes en vigueur par le passé.
Le Gouvernement français a ouvert trois chantiers, dans ce domaine,
1) Un chantier déjà bien avancé, celui de la diffusion des données juridiques par l’Internet :
a) les caractéristiques du choix français sont :
la réunion de données de sources diverses issues du Journal Officiel et de la jurisprudence des différents ordres de juridiction ;
la gratuité ;
la ligne de partage entre les « données essentielles » dont la diffusion gratuite constitue une mission de service public et les enrichissements, les produits à valeur ajoutée, qui sont l’apanage des éditeurs. Naturellement, des licences de rediffusion sont très facilement délivrées par l’Etat à toute personne qui en fait la demande, à des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires.
b) l’impact du service est très important. L’internet a en effet pour conséquence de bouleverser les conditions d’accès à la documentation juridique :
d’un point de vue simplement quantitatif, 25,6 millions de pages du site Légifrance ont été vues au cours du dernier mois ; 1,9 millions de visiteurs ont fréquenté ce site et 2,3 millions de sessions de travail ont eu lieu au cours de cette période ;
l’impact sur le comportement des praticiens du droit est aussi considérable : les facilités techniques offertes conduisent à multiplier les recherches et les vérifications. De ce point de vue, le service compense dans une certaine mesure les effets de l’instabilité du droit et permet même une sécurité juridique accrue par rapport au passé.
c) l’objectif des autorités françaises est désormais d’améliorer la consolidation du droit accessible sur l’internet, en intégrant mieux - en termes de qualité et de délai - le flux quotidien des normes nouvelles au stock du droit existant : c’est une prestation à la fois essentielle et délicate, parce que la part de l’expertise juridique est bien plus importante en la matière que pour les autres prestations liées à la diffusion du droit sur l’internet.
2) Un chantier ouvert : la publication des actes sur l’Internet :
Il ne s’agit plus ici de mettre en œuvre des techniques documentaires mais d’assurer l’opposabilité juridique à travers la diffusion sur la toile, d’où des contraintes spécifiques et un équilibre à trouver entre l’ergonomie et la sécurité.
a) le « choix français » est de donner à la publication numérique un statut égal à la publication imprimée en subordonnant l’opposabilité d’un texte à sa double publication ;
Il est par ailleurs d’inciter à une évolution des comportements, en remplaçant de manière progressive le papier par la diffusion électronique, en commençant par les textes intéressant les publics les plus familiers de l’outil électronique : ces textes sont d’une part les actes des autorités administratives indépendantes et, d’autre part, les actes relatifs à l’organisation et au fonctionnement de l’Etat ainsi qu’au statut des agents publics.
b) ce choix suscite des réactions contrastées : d’un côté, il doit permettre de réaliser des économies et d’utiliser la diffusion numérique comme un levier pour le développement de la société de l’information ; d’un autre côté, il suscite la conjonction des réactions conservatrices et des préoccupations d’ordre social, l’ensemble de la société française n’ayant pas accès à l’internet. Mais peut-on soutenir qu’elle accède dès maintenant effectivement au Journal officiel imprimé ?
3) Un chantier en préparation : le recours aux techniques de l’intranet pour l’élaboration des actes. L’objectif poursuivi est :
d’une part, de servir la qualité de la réglementation avec la mise en place d’une assistance à la rédaction des textes : les expériences type « Magilex » sont à cet égard précieuses. Dès maintenant, est engagée la rédaction d’un « Guide de Légistique » qui sera accessible en ligne ;
d’autre part, de contribuer à l’organisation du travail gouvernemental : le projet S.O.L.O.N. (Système d’organisation en ligne des opérations normatives à l’aide de l’Internet) est en cours de développement et devrait permettre de disposer d’un outil de pilotage et de contrôle du travail normatif sur support numérique, avec les gains de temps, d’argent et d’efficacité inhérents à un tel outil.
Ces points seront, je n’en doute pas, développés par les intervenants.
Conclusion
Le développement atteint par les outils informatiques conduit désormais à poser la question de leur place par rapport à d’autres démarches :
le travail de codification est-il toujours pertinent ? Ne faut-il pas moins faire la part entre le souci de codification et les facilités offertes par la documentation électronique : c’est ainsi déjà que se trouve reposée la problématique des « codes suiveurs » pour les dispositions qui sont à la jointure de deux codes ;
la démarche de qualité de la réglementation et de simplification du droit est-elle toujours d’actualité ? Les nouvelles facilités d’accès aux textes n’affaiblissent-elles pas la lutte contre l’inflation normative ? Dans quelle mesure l’électronique peut-elle être un outil au service de la qualité (accès aux bonnes pratiques, observatoire de la production normative en train de se faire...) ?
Après l’ardeur des pionniers, se dessine le besoin d’une véritable stratégie de l’informatique juridique publique.
Je souhaite que les exposés et les échanges qui vont avoir lieu contribuent à la confrontation des points de vue et à la maturation de cette stratégie et qu’ils soient le plus fructueux possible.